POURQUOI LE GROUPE B ÉTAIT-IL SI EXTRAORDINAIRE?

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RALLY GROUP B SHRINE – L’OPINION DU RÉDACTEUR EN CHEF

La réponse à cette question est très personnelle à chaque individu malgré que certains éléments clés reviennent toujours. Après tout, le Groupe B est quasi unanimement considéré comme “l’Âge d’Or” du rallye. Commençons donc par l’évidence la mieux répandue:

LES VOITURES

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Hormis la Lancia Stratos HF du Groupe 4, le Groupe B était la première instance de voitures entièrement conçues et fabriquées pour l’unique tâche de gagner des rallyes: elles n’avaient aucune autre raison d’exister. Pour les puristes, rien ne peut être meilleur!

L’HOMOLOGATION

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Bien que le fait de produire un nombre minimal de voitures soit presque toujours synonyme de course automobile, le Groupe B a exigé que seules 200 unités soient fabriquées pour homologuer le modèle en compétition. Ce faible nombre permettait donc des conceptions très spéciales qui avaient une lignée directe avec la version de compétition: une chose qui a totalement disparu depuis le passage du Groupe A à la réglementation World Rally Car en 1997. Ce qui destine les rares voitures d’homologation au look sauvage du Groupe B aux légendes. En posséder une à l’époque signifiait que vous aviez une voiture de course sur la route: seules les supercars de la trempe des Ferraris, Porsches et Lamborghinis pouvaient en prétendre autant.

LES ÉVOLUTIONS

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En plus du lot unique de 200 voitures d’homologation, le Groupe B a profité des nouvelles largesses du règlement “évolution” (ET). Cela permettrait à 10% du nombre total de voitures produites à recevoir des modifications spéciales spécifiquement pour la course. Un lot de 20 voitures évolution supplémentaires serait nécessaire chaque année subséquente pour homologuer tout changement technique majeur. Les nouvelles règles d’évolution permettaient donc à la voiture d’être développée bien au-delà de ses attentes en matière de conception d’origine: une chose qui n’avait jamais été vue auparavant.

LA PUISSANCE DÉMESURÉE

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Ironiquement, en 1982, le Groupe B avait commencé avec une puissance relativement modeste et ne produisant guère beaucoup plus de puissance que les précédentes voitures du Groupe 4. Cependant, le potentiel quasi illimité des turbocompresseurs a vite basculé la puissance hors de contrôle. En 1986, la guerre des chevaux vapeurs du Groupe B avait atteint son apogée; en quatre années seulement la puissance des voitures avait doublé, passant de 250~300 BHP à 450~600 BHP, et la plupart des initiés s’accordaient pour dire que les chiffres revendiqués par les constructeurs étaient en fait conservateurs. Les rumeurs voudraient que certains d’entre eux auraient même testé leurs bolides respectifs dans les trempes de 750 à 1,000 BHP.

LES DÉFIS À RELEVER

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Bien qu’elles rassemblaient les dernières technologies du milieu des années 1980, les voitures de rallye du Groupe B étaient des brutes assez primitives; il n’existait pas d’aide électronique à la conduite, la technologie quatre roues motrices était plus proche de ce que l’on pouvait trouver sur un tracteur agricole, les suspensions étaient sujettes à une surchauffe avec une certaine lenteur de réponse, et les plages de puissance des moteurs suralimentées étaient très étroites (à haut régime) avec un couple très moyen. Les mesures prisent pour contrer la lenteur de réponse des turbocompresseurs impliquaient principalement l’utilisation du freinage au pied gauche. En bref, la maniabilité était assez médiocre et les voitures constituaient un véritable défi pour exploiter pleinement leur potentiel: cela a été confirmé par tous les pilotes WRC modernes qui ont eu l’occasion de tester également une voiture du Groupe B.

Les pilotes du Groupe B ont rapidement dû améliorer leur niveau d’anticipation pour faire face à l’augmentation de performance des voitures. Ils ont également dû s’adapter à l’ajout de larges supports aérodynamiques qui permettaient d’obtenir encore plus de traction lorsque des vitesses plus élevées étaient atteintes. Même l’as du rallye, Walter Röhrl, a souvent déclaré que trouver un équilibre parfait entre le rythme et la vitesse dans son Audi était un immense défi en soi.

Les rallyes (beaucoup plus longs que ceux d’aujourd’hui) étaient également très exigeants physiquement pour les pilotes en raison de la nature impitoyable des voitures. Les équipages devaient souvent se soumettre à des réconforts thérapeutiques tels que des massages ou une décompression de la colonne vertébrale entre les étapes. Le Groupe B était un pur combat entre l’homme (femme) et la machine: il mettait durement à l’épreuve la volonté et le courage des pilotes. En fin de compte, la déclaration bien connue de Juha Kankkunen selon laquelle “le WRC est pour les garçons, le Groupe B était pour les hommes” représente vraiment la nature différente des voitures et les différents défis pour les conduire.

LA VICTOIRE À TOUT PRIX

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Pour la première fois dans l’histoire des rallyes, les équipes les mieux financées ont fait appel à une armée d’ingénieurs et de techniciens pour développer des voitures uniquement dans le but de gagner des rallyes. Ils ont utilisé les meilleures technologies, techniques de construction et tests en soufflerie, ce qui étaient auparavant réservés aux trempes de la Formule Un. Dans le Groupe B la nécessité de gagner était primale et est rapidement devenu la référence en matière de gestion moderne d’équipes de rallye.

Dans les épreuves de rallye, l’action n’a pas été moins frénétique, chaque équipe pouvant employer jusqu’à une centaine personnes; en plus des conducteurs et des copilotes, il y avait aussi les ingénieurs, des observateurs, les mécaniciens, des camionneurs, les thérapeutes, des médecins, les gestionnaires, des publicistes, les relations publiques et même des pilotes d’hélicoptère! À l’époque, on a pu assister aux ravitaillements et changements de pneus au milieu même des spéciales. Les mécaniciens se pressant le long d’une route parallèle pour ensuite rencontrer les voitures de rallye entre les étapes et même les fameux “mécaniciens-volants” en hélicoptère se posant dans l’espace disponible le plus proche pour aller réparer les voitures en panne, pendant que les directeurs décidaient des tactiques de l’équipe.

En quelques années à peine, le rallye est passé du sport automobile animé par des bricoleurs de voitures en arrière-cour à l’avant-garde du développement technologique automobile à un niveau comparable à celui de tout autre type de course de haut niveau. Le Groupe B peut être comparé au sport évoluant du karting à la F1 en très peu de temps: encore une fois, quelque chose de jamais vu auparavant dans le sport automobile.

L’ATTAQUE SENSORIELLE!

LES REGARDS MENAÇANTS

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Les règles d’évolution du Groupe B ont donné naissance à un large éventail d’améliorations aérodynamiques pour aider à garder les voitures collées au sol et à aller encore plus vite dans les virages. Cela a bien sûr suralimenté l’excitation de  ces voitures déjà remarquables car le style de conduite nécessaire pour obtenir les meilleurs temps de compétition n’était rien de moins que spectaculaire.

LA SYMPHONIE MÉCANIQUE

Pour la première fois dans l’histoire des rallyes, les magnifiques forêts et chemins de campagne ont étés envahis par une cacophonie incessante de pots d’échappement crachant le feu, suralimentés par une conduite à plat et un freinage du pied gauche. La plupart se souviendront des sons majestueux du maestro nommé Audi et de sa symphonie turbocompressée à 20 soupapes sur 5 cylindres – jamais été égalée depuis:

En comparaison, cela fait du format WRC actuel et des moteurs à quatre cylindres de 1,6 L obligatoires un spectacle lugubre et déprimant de voitures à l’apparence générique retentissants d’abeilles en colère coincées dans un tambour. Oui, mais ils affichent des temps meilleurs aujourd’hui diraient certains, et je répondrais que cela n’a pas d’importance: il est tout à fait vrai que le spectacle doit continuer, mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas préférer les anciennes rediffusions!

LA DIVERSITÉ

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La réglementation libre du Groupe B autorisait presque tous les types de configurations de voitures, de moteurs et de groupes motopropulseurs, offrant ainsi une gamme très variée de voitures et de symphonies mécaniques au look sauvage. En 1986, à l’apogée de l’Âge d’Or, pas moins de 10 constructeurs présentaient des voitures dans la classe supérieure B/12, toutefois avec une implication variée. Pour 1987, ce nombre se devait être supérieur à 15. Quelle est la dernière fois qu’un tel enthousiasme a mené autant de combattants dans l’arène WRC? Point fait, mais continuons quand même!

B POUR BARJO

Tout ce qui a été mentionné précédemment dans cet article a eu pour effet de rassembler des dizaines de milliers de spectateurs sur les scènes des épreuves de rallye. Le Groupe B était la première fois que le sport avait une telle notoriété et popularité mondiale. En fait, il est communément admis qu’en peu de temps, le Groupe B a propulsé les rassemblements populaires devant la Formule 1. De plus en plus de fans indisciplinés iront envahir les spéciales, année après année, dans l’espoir de voir – même de toucher – leurs bolides de rallye préférés.

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Cela était particulièrement problématique au Portugal, l’effet de masse, la proximité de l’action, le sentiment de liberté de mouvement et le manque de contrôle approprié de la foule ont donné trop d’opportunités aux spectateurs indisciplinés de faire des manigances. Les voitures devenant plus puissantes et plus rapides ne faisaient qu’accentuer le problème existant; selon certaines informations, des équipes de service auraient trouvé du sang, des cheveux et des doigts tranchés coincés dans les ailes et les conduits des voitures lors de réparations. Les pilotes de rallye avaient signalé de nombreux problèmes de spectateurs au fil des ans; des cailloux et des boules de neige ont été lancés sur leurs voitures, des spectateurs déposant volontairement des obstacles sur la route ou couvrant un virage de spéciale sur tarmac de gravier ou de sable pour “augmenter” le spectacle. Cela ne peut tout simplement pas être même pensé aujourd’hui!

Il est bien évident que les fans étaient complètement dupes que leur mauvais comportement risquait de compromettre la catégorie et les voitures qu’ils idolâtraient tant…

L’INNOCENCE DU SPORT

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Je crois sincèrement que le plus bel aspect du Groupe B est que le sport de rallye avait encore son “innocence” à l’époque. Il y avait de l’ambition, de l’excitation, de l’anticipation et de la passion venant de tous; pilotes et copilotes, chefs d’équipe, ingénieurs imaginatifs, mécaniciens aguerris, journalistes, et les millions de fans autour du monde. Pendant un certain temps, tout était vraiment qu’un jeu amusant: l’image même de la décennie 1980.

Le dicton dit que «toute bonne chose doit prendre fin». L’innocence de notre monde en lui-même touchait à sa fin et le Groupe B n’échappera malheureusement pas à ce destin. Rien ne doit être répété ici sur une histoire déjà très connue. Néanmoins, parmi toutes les tragédies, très peu de personnes impliquées dans le Groupe B ont des regrets et à quelques exceptions près la plupart sont fières de l’opportunité d’en avoir fait partie. On ne reverra plus jamais rien de similaire au Groupe B: l’innocence a été perdue, pour toujours.

Personnellement, étant donné que j’étais sur cette Terre au moment où cela s’est produit, le Groupe B est directement responsable de mon amour éternel pour les voitures et le rallye automobile. En tant qu’enfant, cela a concocté beaucoup de rêves et avec ces derniers viennent l’imagination et l’ambition. Ceci a façonné ma vie, influencé des décisions importantes et m’a permis d’acquérir des compétences que je n’aurais pas développées autrement. J’en dois donc beaucoup aux hommes et aux femmes qui ont rendu possible la légende appelée Groupe B. Quoique j’ai toujours rêvé pouvoir directement en faire partie, je ne possède malheureusement pas de machine à remonter le temps de marque DeLorean, c’est pourquoi j’ai au mieux créé ce site Web pour préserver son histoire!

Pour moi, tout ceci est pourquoi le Groupe B était et demeure si extraordinaire! Qu’on puisse s’en souvenir à jamais.


Article par (C) Jay Auger – propriétaire, rédacteur en chef et auteur principal

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